Au Sénégal, l’agence Yux adapte le design numérique aux réalités locales

La start-up développe des interfaces de sites et d’applications en veillant à les adapter au contexte des pays africains ciblés.

Par Marie Lechapelays Publié le 07 janvier 2020 à 18h09 

Des icônes de supporters de l’équipe de football du Sénégal, créées par les équipes de Yux Design. Cocoji.co

Laboratoires d’innovation et start-up fleurissent à Dakar, la capitale du Sénégal. Au sein de cet écosystème, depuis 2017, Yux Design fait figure de défricheur. Sa spécialité ? L’UX, pour « user experience » (expérience utilisateur) : une discipline qui émerge à peine dans la région et dont l’objectif est d’améliorer le ressenti de l’utilisateur dans ses interactions avec des services numériques.

En Afrique subsaharienne, les modèles de sites et d’applications sont très souvent calqués sur ceux des pays du Nord. Pourtant, « le numérique est comme tout autre produit », insiste le Français Yann Le Beux, l’un des cofondateurs de Yux Design : « Pour qu’il soit adopté par la cible, il doit prendre en compte les problématiques et les besoins locaux, refléter la culture et les identités. »

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Il y a trois ans, le Congolais Daniel Locko (Brazzaville) et la Franco-Américaine Camille Kramer, deux designers, ainsi que le Français Yann Le Beux, ingénieur matériaux formé au management de l’innovation, se rassemblent autour d’une table. Les trois acolytes, qui se sont rencontrés à Dakar où ils travaillaient tous les trois dans le monde du numérique et des start-up, commencent par créer des ateliers pour former graphistes, développeurs et entrepreneurs volontaires aux méthodologies et outils du design. Le marché est presque vierge et la communauté se fait rapidement remarquer. Bientôt, des géants comme Orange et Total lorgnent ses activités.

Des multinationales aux jeunes pousses

Yux Design est créé. L’agence se structure et accompagne des multinationales (finance, télécoms…) et des organisations comme l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid) ou l’Agence française de développement (AFD) dans la conception de leurs interfaces de sites ou d’applications. En parallèle, elle casse ses prix pour proposer ses services à des jeunes pousses qui tentent de se faire une place sur le marché.

Mais comment élaborer des produits numériques fonctionnels quand on ne connaît pas les profils des populations visées, leurs besoins et leurs attentes ? Dans le monde occidental, les données des utilisateurs sont facilement accessibles. Le contexte africain est tout autre. Alors Yux Design crée Looka, une application de collecte et de visualisation de données adaptée aux villes africaines. L’équipe forme des enquêteurs de terrain et les études finales, publiées en ligne, sont accessibles gratuitement. « Cela représente beaucoup de temps et d’argent, assure Camille Kramer, mais nous tenons à montrer le lien entre sociologie, anthropologie et numérique. »

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Victime de son succès, Yux Design doit embaucher, mais les talents manquent dans le domaine. Et pour cause : aucune formation en UX et en design n’est alors disponible à Dakar. Qu’à cela ne tienne, les fondateurs postent des offres d’emploi sur les réseaux sociaux. Aux plus intéressés et motivés est offerte l’opportunité de tout apprendre en interne.

Aïssatou Dione, par exemple, était sage-femme. Un jour, elle a vu cette annonce au ton décalé sur Facebook. Depuis, la jeune femme est « UX researcher » au sein de la jeune entreprise. « Nous voulons des gens qui soient sincèrement intéressés par le numérique et qui y croient, insiste Camille Kramer. Ils doivent aussi être à l’écoute, car c’est un prérequis essentiel dans le milieu créatif. »